Pourquoi ne pas renverser la logique qui a mener à l’échec les précédentes réformes du droit du travail ? A l’heure où le
gouvernement rencontre les partenaires sociaux pour évoquer le contrat unique, on
redoute les soubresauts du CPE ou du CIP de Baladur en 1994 qui
faisait suite au CES de Rocard et au TUC de Fabius.
Sans préjuger ce qui se prépare discrètement, voilà une proposition qui viserait à renverser la logique de reforme.
L’évolution du droit
du travail vers plus de flexibilité est nécessaire dans le cycle que nous
vivons en ce moment ; sauf à épouser ces thèses amusantes de la
décroissance…
Nous quittons peu à peu l'ère industrielle, ce qui ne signifie pas que l'industrie n'existera plus (de la même manière que l'agriculture continue d'exister dans notre société industrielle). Aborder l'ère des services et de l'information signifie que la différence de compétitivité va se situer autour de notre capacité à communiquer:
- interagir avec le client pour lui vendre des services ou de l'image: l'iPod par exemple, n'est-ce qu'un lecteur mp3?
- communiquer entre chercheurs, industriels et responsables régionaux: cf. ce rapport parlementaire sur l'économie de la croissance,
- communiquer vers ses employés/ consommateurs/ actionnaires qui sont souvent les mêmes.
Cette communication tous azimuts remet en cause l'organisation pyramidale et cloisonnée du taylorisme; et le taylorisme avec, et c'est tant mieux! On travaille aujourd'hui en structures projet, en organisations matricielles... ce qui signifie en terme plus prosaïques que on n'a plus un seul petit chef et que de facto, on gagne aussi en liberté.
On voit aussi se développer le travail à distance, ce qui peut être une autre manière d'échapper au petit chef, et le droit s'est déjà adapté en partie afin de prendre en compte cette nouvelle dimension (cf. rapport parlementaire : Du télétravail au travail mobile : un enjeu de modernisation de l’économie française).
Idyllique? Sans doute! Avec la liberté vient aussi la responsabilité. Et le lien du contrat de travail hérité de l'époque industrielle, le sacro-saint CDI, n'est plus adapté. D'ou les tentatives avortées. Les spécialistes des ressources humaines évoquent aussi depuis belle lurette l’employabilité, nous expliquent que l'on exercera 4, 5, 6... métiers dans sa vie, qu'il faudra se former continuellement.
Seulement, à chaque
fois que l'on tente de passer de la théorie à l'application pratique, on
explique aux plus faibles, les jeunes qui cherchent un premier emploi, les
personnes manquant de qualification..., que "vous comprenez, c'est bon
pour vous, le monde évolue... il faut vous adapter". Et évidemment, le
message passe mal.
A contrario, je proposerais donc que la mesure soit appliquée à ceux qui sont les mieux armés pour jouer la flexibilité: les plus qualifiés et les mieux insérés dans le système. Prenons un critère simple: ceux qui ont les plus hauts salaires, tous secteurs confondus.
Voilà un exemple, évidemment contestable, pour fixer les idées:
- Les mandataires sociaux (gérants de SARL, PDG, DG...) sont déjà de facto révocables immédiatement et, pourvu qu'ils n'aient pas signé de primes de départ avantageuses avec des administrateurs complaisants (les fameux "parachutes dorés"), ils sont déjà en situation flexible.
- Au delà d'une rétribution annuelle supérieure à 6 fois le SMIC, idem, le salarié ou fonctionnaire serait révocable du jour au lendemain (plus de période de préavis, plus d'ancienneté...)
- De 3 fois à 6 fois le SMIC, appliquons une période de préavis qui passe progressivement de 3 mois à 0; pas de notion d'ancienneté.
- En deçà de 3 fois le SMIC, on reste dans les conditions actuelles des contrats de travail: préavis, ancienneté...
Voilà quelques avantages que je vois à cette approche:
- Plus d’ancienneté : éviter les scandaleuses situations de salariés qui partent avec des similis parachutes dorés parce qu’ils ont fait 25 ans chez EADS
- La compétence d'abord: les entreprises et l’administration fonctionneraient différemment si, à la notabilité de l'ancienneté et de l'échelon hiérarchique, on substituait la compétence. Un haut salaire n'est pas un droit acquis quand d'autres restent collés toute leur vie autour du SMIC.
- Une relation assumée entre adultes: exit le paternalisme de la période industrielle, exit les fausses promesses d'éternité, les relations entre employeurs et salariés qualifiés ont besoin d’être clarifiées. Le dialogue devient plus direct, la séparation n’est plus une honte, ni un drame.
- Montrer l’exemple: à une époque où la flexibilité et l'employabilité sont prônées par ceux qui sont les plus protégés, dont d'ailleurs la nature du travail requiert le plus de flexibilité, il est normal qu'ils tracent le chemin. Qu'à un niveau de rétribution élevé corresponde aussi une mise en responsabilité accrue légitimerait aussi ces différences de rémunération aux yeux de tous.
- Rappeler les responsabilités des "élites": les excès des parachutes dorés sont symptomatiques de notre époque. Les élites sont en crise; ceux qui ont le pouvoir sont des gens astucieux, malins, mais qui n'assument plus leur rôle de prendre en charge les problèmes communs pour les résoudre. Il faut rappeler ces responsabilités.
D’un point de vue plus macro, cette évolution prendrait tout son sens dans le cadre des pôles de compétitivité regroupant géographiquement des industries leader dans leur domaine; le nucléaire à Saclay (91), l’aéronautique à Toulouse, les jeux vidéo à Lyon…, par exemple. Il est alors simple pour un salarié d’évoluer d’une entreprise à une autre tout en restant dans le bassin d’emploi qui porte sa spécialité.
L'époque est idéale pour cette évolution: l'emploi des cadres ne s'est jamais aussi bien porté comme le montre une enquête de l'APEC. La génération des baby-boomers commence à préparer sa retraite, ce qui ne manquera pas de créer un appel d'air pour de nouveaux cadres compétents.
Le succès de l'usine Toyota de Valenciennes est un exemple illustrant cette réforme par les élites. Et sans doute y a-t-il d'autres domaines où l'on ferait bien de réformer par le haut?
Tout à fait ok : l'exemple doit venir d'en haut. Et comment respecter l'autorité si elle n'est pas exemplaire, si elle ne s'applique pas ce qu'elle demande au "petit peuple" ?
Mais je n'ai pas l'impression que cette vision soit celle de Sarko. Pourvu qu'il nous surprenne, mais il n'est pas parti pour. De ce point de vue, les démocraties du Nord sont exemplaires. Par exemple sur le budget alloué aux Ministres en Norvège : ils doivent prendrent les transports les moins onéreux, seuls les frais basiques sont remboursés, ils n'ont pas de voiture avec chauffeur...
Encore une révolution culturelle à mener.
Rédigé par : Charles | 27/05/2007 à 22:12
Je me permets un trackback manuel (l'autre ne semblant pas fonctionner) pour apporter un son de cloche différent sur cette envie de réforme : http://barrejadis.azeau.com/index.php?itemid=91
Rédigé par : Oaz | 28/05/2007 à 00:15
Salut mon cousin à moi !
Alors on veut faire sa petite révolution !Je te trouve très visionnaire et suis bien d'accord avec toi pour une fois.
Excuse moi mais j'en étais restée à ton extase après le villepinte de Ségo !
Bisous quand même.
Ta cousine de Bourgogne (pour éclairer ta lanterne car j'ai bien pris un pseudo)
Tu es d'ailleurs le bienvenu en Bourgogne si ça te dis.
Rédigé par : Thaïs | 30/05/2007 à 14:17
"sauf à épouser ces thèses amusantes de la décroissance…"
La décroissance c'est aussi : ""boycotter tous ces produits dont nous n’avons pas besoin pour vivre... Cesser de vivre en enfants gâtés pour vivre libre, loin de la soumission à la marchandise."
En quoi est-ce amusant?
Vous partez du principe que la croissance est un bien. Pouvez-vous le démontrer ?
Je précise que je ne suis pas un "partisan de la décroissance", je suis quelqu'un qui en a assez qu'on lui présente comme des évidences des choses qui demandent à être démontrées.
Cordialement.
Rédigé par : Joke | 30/05/2007 à 17:58
@Joke: ok, je vous le concède, la décroissance n'est pas amusante ; ce serait plutôt consternant. Mais par pudeur sans doute, je ne souhaitais m'épancher ainsi publiquement. Bon allons-y:
Dans ce mouvement idéologique, je trouve consternant l’incapacité sous-jacente à penser le futur autrement que par un retour en arrière. Soit, c’est un mouvement de contestation, comme les anti-mondialistes renommés en alter-mondialistes. Sans doute parlera-t-on prochainement d’alter-croissance?
Et je vous concède aussi que la course frénétique à plus d’objets de consommation n’est pas une fin en soi. Vit-on mieux parce que l’on a 2 TV écran plat plutôt qu’une ? Pour ma part, je n’en ai pas du tout.
Vivrait-on mieux en soignant un peu plus notre environnement? Comme les partisans de la "décroissance", j’en suis aussi persuadé. Il faudrait par exemple mieux utiliser les ressources naturelles à notre disposition.
Sur ce point, ce qui me différencie fondamentalement des partisans de la décroissance, c’est qu’ils espèrent le faire contre l’économie ; alors que nous le ferons en réorientant notre économie, notamment en faisant rentrer les considérations environnementales dans le champ de l’économie.
Un exemple: les ampoules à économie d’énergie n’auraient pu être développées sans les recherches de quelques industriels. Ce sont des produits innovants, vendus aujourd’hui à un prix assez élevé mais qui portent leur propre rentabilité puisqu’elles durent plus longtemps.
Il ne s’agit donc pas de s’éclairer à la bougie mais de continuer à progresser en inventant les solutions aux problèmes de notre temps. Lumineux, nan? :)
Rédigé par : Nicolas Pochez | 30/05/2007 à 23:12