Pour la Ségo, nous nous sommes encore déchirés. Le sujet enflamme toujours nos conversations, je pense à ce déjeuner avec Verel hier.
Il est de bon ton de dénoncer le populisme de certaines propositions de Ségolène Royal et en particulier une de ses plus remarquées, les jurys populaires; à moins que ce ne fut sa position "courageuse" quant à l'entrée de la Turquie dans l'Europe. Bref "populisme" ceci, "populisme" cela, c'est le mot qu'on vous jette à la gueule pour éviter de discuter. A l'occasion, je redemande à la rousse: "Attitude politique qui vise à satisfaire les revendications immédiates du peuple, sans objectifs à long terme".
Reprenons donc dans l'ordre: "le peuple" (c'est à dire nous) a-t-il demandé des jurys populaires: pas que je sache. C'était même plutôt très inattendu. Et à ce titre, des propositions de SMIC à 1 500 euros sont beaucoup plus populistes que les jurys populaires, sans être pour autant dénoncées avec autant de violence. Vous avez dit "populisme"...?
Reconnaissons le toutefois, la proposition est iconoclaste et suscite la réaction (parfois plus que la réflexion). Elle effleure, et c'est à mon sens son mérite essentiel, un sujet fondamental qui est la nécessaire évolution de notre rapport au pouvoir; ainsi qu'un de ses corollaires qui est le clivage entre politiques et citoyens: se méfier du pouvoir quand il est lointain; en abuser quand il est proche.
Mon Verel préféré m'expliquait que les Français attendaient des politiques
1. qu'ils fassent leur boulot de politique et les français ne jugent qu'au résultat
2. qu'ils leur accordent des services et avantages individuels immédiats
3. qu'on ne les prennent pas pour des cons ("parler de plein pied" comme on dit en terme Vulpianistes)
4. qu'ils les impliquent dans la vie publique (mais cela sont extrêmement minoritaires, genre 1%)
Ca me semble avoir du sens... supposons ces 4 points comme acquis. Et reprenons:
J'élude le 4ème point immédiatement: si les jurys populaires ne correspondent qu'aux attentes de 1% de la population, effectivement, cette proposition est à côté de la plaque; à supposer toutefois qu'il ne faille que répondre aux attentes.
Le 3: imaginer que d'une manière autre que celle un peu binaire du vote, certains citoyens choisis au hasard tentent de porter une opinion construite, voire même constructive, sur les actions d'un élu, c'est déjà imaginer que l'élu et le citoyen sont sur un même niveau. C'est remettre en cause cette conception trop hiérarchique, monarchique dit-on souvent du pouvoir. A noter au passage que porter un jugement mal fondé, c'est d'abord s'exposer au discrédit en tant que "jury"... ce qui rend cet exercice exigent et risque d'inciter nombre de ces heureux élus à se porter pâle.
Le 2ème: effectivement parce que la pratique du clientélisme répond à une attente pressante de certains, les éventuelles remises en cause qu'impliqueraient un jury par trop indépendant risqueraient d'attirer sur ces citoyens les foudres de minorités agissantes et aiguisées à cet exercice. Ou les courbettes, invitations à dîner... l'exercice est décidément très exigent.
Mais je trouve le 1er point le plus intéressant: par rapport au souhait de voir les politiques faire leur boulot, les jurys populaires posent la question de la responsabilité du citoyen vis-à-vis de son propre boulot de citoyen.
Un des arguments contre les jurys populaires est que c'est le rôle de l'élection de juger du résultat de l'action politique. Soit. Est-ce que nous faisons notre boulot ,nous citoyens, lorsque d'une main nous dénonçons facilement les petits crimes entre amis et d'une autre nous redonnons les clés de la gestion du bien public à un Juppé ou un Emmanuelli, par exemple, dont il a été démontré qu'ils avaient dépassé la limite?
Evoquer ces jurys populaires, c'est aussi mettre en évidence la responsabilité de chaque citoyen qui pourrait être tiré au sort pour porter une opinion fondée sur l'action politique de son élu. Et à bien y regarder, ce n'est pas aussi démago que ce que l'on dit: il ne suffirait plus au citoyen de rester dans cette attitude de zapeur vis-à-vis de la gestion de la chose publique. Quelle évolution à long terme!
Il y a presque 5 ans maintenant, j'avais arpenté les marchés en défendant quelques idées dont l'établissement d'un "statut de l'élu" qui visait aussi à faire évoluer le rapport entre politiques et citoyens: éviter le cumul des mandat, inciter à un meilleur renouvellement, réduire l'isolement des politiques vis-à-vis de l'économie... afin que les citoyens soient mieux représentés. Sujet aride et difficile à colporter...
Ces jurys populaires, sans nécessairement apporter immédiatement de bonnes réponses, permettent de débattre et c'est le rôle d'une campagne électorale. Et si nous pouvons en parler sereinement, il tient à chacun de tenter d'apporter de meilleures réponses. C'est peut-être aussi ça la démocratie participative de Ségolène?
(C'est peut-être aussi prêter à notre Ségolène royale et nationale plus d'intention que ces deux mots. Qu'importe !)
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